Cette aventure qui a fait de moi un voyageur

On dit souvent qu’un voyage, c’est une parenthèse, un moment pendant lequel le temps est comme suspendu. Pendant quelques jours, on vit une sorte de réalité parallèle, presque une autre vie. En effet, nous sortons de notre environnement et de notre quotidien, nous perdons nos habitudes pour en découvrir et en respecter de nouvelles. Pas faux. Mais pour moi, ce voyage que je vais vous conter, c’était autre chose. Plus qu’une pause, c’était une voie d’accélération. Plus qu’une bulle, c’était une explosion. Plus qu’un voyage, c’était un tournant.  

Pékin, le point de départ de mon périple

Chine, Pékin, printemps 2004. Je m’apprête à terminer mon stage de 6 mois dans la capitale chinoise, qui marque la fin de mes études. Il me reste un petit mois avant de rentrer en France. Me vient alors l’idée de m’organiser un petit trip en solo, avec pour seuls compagnons mon fidèle sac-à-dos et l’indispensable Lonely Planet (car non, à l’époque, Internet dans la poche, ça n’existait pas). Envie de profiter un peu de la Chine, d’une autre Chine. Pourtant j’ai a-do-ré Pékin, je m’y sentais comme un poisson dans l’eau. Les petits marchés de rue, les parcs, les temples, la cohabitation des quartiers d’affaires et des traditionnels hutongs… Mais il me fallait voir autre chose avant de rentrer en France. Je n’ai pas été déçu, car je n’ai pas vu autre chose, j’ai vécu autre chose.

Une escapade en solo sur la Route de la Soie

L’idée de m’aventurer sur la Route de la Soie m’est venue complètement par hasard… en regardant la météo à la télé ! Tous les soirs, les prévisions du lendemain étaient annoncées pour les villes principales, sur une sorte de diaporama qui faisait défiler les images emblématiques de chaque ville présentée. Et tous les soirs, je restais subjugué devant la photo représentant la ville de Jiayuguan. Je n’avais aucune idée d’où cette ville se situait, mais le décor était fabuleux. Une sorte de forteresse couleur ocre au premier plan, en plein désert et au soleil couchant. Et au second plan, des montagnes, de plus en plus hautes, dont les sommets enneigés tutoyaient le ciel d’un bleu éclatant. C’est là que je veux aller ! Lorsque j’ai planifié mon itinéraire, mon passage par Jiayuguan était donc un impératif. Et comme cette ville se trouvait sur le tracé de la mythique Route de la Soie, autant que j’aille au bout du projet. C’était décidé, j’irai jusqu’à Urumqi, capitale de la région autonome du Xinjiang, en terre Ouïgoure… à près de 3 000 km de Pékin !  

Des émotions particulières

Petit budget oblige, les trajets en train « couchettes dures » allaient être longs, très longs… Au total, j’y ai passé près de 60 heures, réparties sur une grosse semaine. Mais quelle semaine ! Le grouillant quartier hui (musulman) de Xi’An, les odeurs d’encens mêlées à celles du beurre au lait de yak dans le village tibétain de Xiahe, les dunes de sable fin et chaud de Dunhuang, surplombant le magnifique lac du Croissant de Lune, les nuits en auberges, les regards, les voix, les couleurs… Quel tourbillon ! Des émotions jamais vécues jusque-là, ou pas en si peu de temps. Et puis j’étais seul. Seul pour les vivre, seul pour les gérer. Certes, je parlais et comprenais le mandarin. Mais sinophone ou pas, quand tu te retrouves sur le bas-côté d’une route déserte au milieu de collines et de rocailles, près d’une voiture en panne dont le chauffeur – un type dont tu as fait vaguement connaissance le matin-même à la gare et qui t’avait gentiment proposé de t’accompagner à la ville suivante pour te faire gagner un peu de temps – te dit « Je ne sais pas comment faire pour redémarrer la voiture », bah… tu flippes un peu quand même.

Comme une seconde naissance

Heureusement, tout s’est bien terminé. J’ai vu Jiayuguan (mais pas l’ombre d’une montagne en arrière-plan, les nuages étaient trop bas ce jour-là… Jiayuguan, la météo, la boucle était bouclée !), j’ai atteint Urumqi, et je suis rentré à Pékin. Je suis parti seul, j’ai vécu ce voyage seul, je suis rentré seul. Mais en même temps, j’étais avec moi-même, qui au fur et à mesure de cette aventure, est probablement devenu quelqu’un d’autre. J’étais parti curieux et avec l’envie de voir du pays, je suis revenu fier mais humble, vidé mais ressourcé, sans un yuan en poche mais tellement riche. Je suis parti avec mon fidèle sac-à-dos et mon indispensable Lonely Planet, je suis revenu voyageur.    

Anthony

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